Interview : Florent Chavouet

Il y a un an Florent Chavouet nous avait proposé son carnet de voyage à Tokyo avec son album "Tokyo Sanpo". Immédiatement le public avide de découvertes avait accroché à ce petit bijou illustré. Cette année l'artiste récidive toujours au Japon mais cette fois sur une petite île nommée Manabe Shima. Une nouvelle invitation à l'évasion salutaire par les temps qui courent. Pour la deuxième fois et à l'occasion de la sortie de ce nouvel opus, Florent Chavouet nous a fait l'honneur de répondre à nos questions !

Lors de votre premier opus vous aviez évoqué une ville très connue, Tokyo. Pour ce nouvel album c'est un lieu plus confidentiel, l'île de Manabe Shima. Comment s'est faite la transition ?

En fait, pour avoir voyagé un peu dans le Japon, je savais que ce que je préférais c'était la campagne, et notamment un aspect particulier du pays, le littoral et ses nombreuses petites îles. La mer intérieure, qu'on appelle aussi la "méditerranée japonaise" était pour moi l'endroit idéal pour découvrir la vie insulaire. J'avais également vraiment envie de découvrir l'exact inverse de Tokyo; passer d'un univers urbain sans début ni fin à un monde rural clos et bien délimité.

Quelles ont été vos appréhensions avant ce nouveau voyage et avez vous une approche de travail et d'observation différente par rapport à Tokyo Sanpo ?

Je partais pour camper et j'avais donc peur que ce ne soit pas possible de vivre ainsi pendant mes deux mois de séjour.Et effectivement ce n'était pas possible, car le seul point d'eau public était au milieu du village, et que de toute façon ce n'était pas le meilleur moyen de s'intégrer à la vie de l'île. Je me suis donc rabattu comme un lâche sur la seule auberge et je ne l'ai pas regretté. Elle était gérée par une famille "idéale" comme je le dis dans le livre et elle m'a présenté aux habitants de l'île. Sinon d'un point de vue technique, la grosse différence par rapport à Tokyo Sanpo, c'est que je ne suis resté quue deux mois sur place et je n'ai pas pu tout dessiner sur l'île. Une bonne partie du livre a été réalisée au retour en France, d'après notes, croquis, photos, souvenirs...

Au delà des différences géographiques et de densité on l'impression de retrouver le même type de convivialité et finalement un rapport similaire au niveau des contacts humains.Comment expliquez vous ces similitudes et qu'elle en fut votre ressenti ?

D'une façon générale, les Japonais sont un peuple infiniment généreux et accueillant. Cependant le contact est encore plus rapide dans certaines régions, notamment le sud ou Manabeshima. Je ne dis pas que j'aurais été reçu de la même façon dans toutes les îles japonaises, mais d'expérience je sais qu'on n'est jamais accueilli à coups de fusil quelle que soit la région visitée. Et puis, à la campagne, cela reste encore un petit évênement d'être un étranger. Donc ça attise un peu la curiosité.

Vous vous êtes rendu sur cette île dans le but spécifique d'un nouvel album.  Avez vous pu profiter de cet endroit unique malgré ce travail que vous vous êtes imposé ?

Aller sur une petite île japonaise deux mois d'été pour dessiner n'est pas un travail. Et s'il fallait le refaire, je
signerais tout de suite. Je me baignais quand je voulais, je pêchais des fugu, je mangeais du crabe, je buvais du Shochu, non vraiment je n'ai pas été à plaindre.

Pensez vous que votre album "Manabé Shima" aura un impact sur le tourisme de l'île et est-il prévu qu'ils soit traduit en Japonais ?

Pour la traduction japonaise, pour l'instant rien de prévu ( comme pour Tokyo Sanpo ). Sinon je ne pense pas avoir l'influence nécessaire pour mobiliser les foules et les motiver à aller sur l'île. Mais si quelques badauds, quelques couples ou voyageurs solitaires pouvaient y aller faire un saut, à la place du circuit habituel Tokyo-Kyoto-Hiroshima...
Mais je préviens tout candidat au détour: il n'y a rien à faire à Manabeshima. Et c'est ça qui est bien.

Quelle est la personne qui vous a laissé le souvenir le plus mémorable ?

Difficile à dire... ce que j'ai aimé c'est justement "la galerie de personnages". Tous m'ont marqué pour différentes
raisons. Disons que sans la famille de l'hôtel je n'aurais peut-être pas compris grand-chose.

Avez vous eu l'occasion de revoir certaines personnes de votre récit et quel regard portent-ils sur votre travail ?

Oui je suis retourné 5 jours à Manabeshima, l'été dernier. Et j'ai revu tout le monde! ( sauf Reizo san, le disque dur, qui avait des soucis de santé, mais rien de grave ). Je leur ai montré quelques images du livre sur une clé usb, car il n'était pas encore imprimé. Evidemment ils étaient très surpris, heureux mais surtout ils se sont bien poilés. Ils ne comprenaient pas les textes bien sûr ( je leur expliquais difficilement les grandes lignes ) mais ils se sont reconnus et ça leur a suffit apparemment. Là mon éditeur prépare un envoie de plusieurs exemplaires sur l'île.

On sent un réel soucis du détail et de l'exhaustivité avec notamment une fiche technique sur l'île et surtout une impressionante carte des lieux.  Qu'avez vous souhaité ainsi transmettre aux lecteurs et comment avez vous travaillé sur ce côté informatif ?

Je voulais d'abord démontrer que même sur un petit lieu où il ne se passe pas forcément grand-chose ( au sens usuel du  terme ), il y a toujours à dire, à dessiner. J'étais si bien sur cette île que je me devais de "travailler" pour elle. Et puis j'aime les bestioles, la nature tout ça. Je pourrais faire un bouquin sur la vie d'un poulpe si un éditeur l'acceptait. Je trouve même que je n'ai pas dit assez de choses sur Manabe.

Vous êtes retourné cet été au Japon pour un nouveau parcours aux tonalités sportives.Pouvez vous nous en dire un peu plus sur ce nouveau voyage ?

Un voyage-vacance. Je veux dire qu'il n'y avait aucun projet "éditorial" derrière ça. D'ailleurs je suis parti sans un
crayon. Je venais de terminer Manabeshima, j'avais donc hâte de retourner sur les îles japonaises, l'été.
Je suis donc parti avec un ami pour faire une grande boucle à vélo dans toute la moitié sud du Japon. Ca fait du bien de compenser l'immobilité du dessinateur par l'activité permanente du cycliste. On a campé un peu partout, vu des paysages superbes, rencontré plein de vieux. C'était génial. J'aimerais être payé pour ça, toute la vie. Il faut que je me renseigne.

Avez vous déjà une idée de vos prochains projets artistiques et avez vous un message pour les habitants de Manabe Shima ?

Pour l'instant j'ai eu très peu de temps pour réfléchir à l'avenir. J'ai des projets, des pistes et des envies bien sûr, mais trop flous pour en parler sérieusement maintenant. Quant au message pour les manabetois, je dirais simplement "kanpai!". Et puis "arrachez-moi ces mauvaises herbes quand même, ça fait désordre."

© Photos et illustrations : Florent Chavouet

© Interview réalisée par E-mail - Kochipan (octobre 2010)

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Un grand merci à Florent Chavouet pour son accueil et pour avoir accepté une seconde fois cette interview pour Kochipan !

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